Vous le savez, vous l’avez vécu, être adolescent(e) est compliqué.
L’adolescence: une période difficile pour nous, et pour nos enfants
En fait, vivre son adolescence fut pour chacun d’entre nous une expérience plus ou moins réussie avec les complexes, les moqueries, la timidité, l’acné, etc. Les jeunes sont sans pitié entre eux car ils n’ont pas encore la notion de limite, de bienséance, de tact. Cela prend du temps et se fait progressivement, et il faut faire face à cette explosion hormonale qui transforme les corps pas aussi vite que les esprits.
La plupart d’entre nous préfère oublier ces moments pénibles, que ce soit volontairement ou inconsciemment : notre esprit a cette formidable capacité à exclure les souffrances de notre mémoire vive, à les transcender afin de n’en retenir que les leçons positives. C’est un mécanisme de survie, de bien-être psychique en quelque sorte : on ne pourrait pas continuer à être créatif, productif, aimant, si l’on se souvenait en permanence de tout, surtout du mauvais. Il faut faire du tri, c’est impératif.
Donc on refoule, mais on n’efface pas.
Une révélation
En regardant mon fils, en l’écoutant s’exprimer sur ses relations avec ses camarades de classe, sur ses difficultés à faire aboutir ses projets, à faire ses devoirs, à réussir ses évaluations, certains pans de ma vie à cette époque refont surface, comme exhumés, avec une bouffée de souffrance « ancienne ». J’avais oublié – ou plutôt occulté – certaines difficultés que Marc traverse. Elles étaient enterrées dans mon inconscient, dans un repos artificiel. Et maintenant ces zombies ressortent, exerçant leur pouvoir sur mon garçon, mon « ado », alors que pour moi ce ne sont plus que des… souvenirs que je peux maîtriser assez facilement, finalement, malgré ce goût légèrement amer de « déjà vu, déjà souffert ».
Pour lui, c’est la réalité quotidienne. PAS des souvenirs : les zombies sont bien là et le « torturent ».
Alors, je dois faire quelque chose. Non ? Après, il sera trop tard, j’aurai raté le train de l’opportunité d’aider mon fils à devenir plus fort psychiquement…
Mais que faire pour être réellement efficace et l’aider vraiment ?
Il y a plus d’un mois, j’écrivais un article qui abordait la façon d’aider mon garçon à tourner des vidéos comme son idole, Norman. Pour cela, je m’étais obligé à penser comme un « facilitateur » de team building.
J’avais établi une sorte de plan d’action séquentiel, avec des étapes, et surtout la volonté de donner à Marc les outils nécessaires à la réalisation de ses ambitions pour qu’il puisse lui-même maîtriser tous les aspects et puisse étendre cette expérience au « management de projet » en général : je pense au jeune adulte qu’il sera bientôt, qui devra mener de front quantité de projets.
En effet, je ne sais que trop bien que pour réaliser ses rêves, il faut être spécifique, concret, persévérant. Il faut savoir rester concentré, monochrone, efficace, tout en ayant la vue d’ensemble. Difficile cependant de distiller cette attitude à un ado qui, comme la majorité d’entre eux, n’a pas encore de vocation ou de passion et donc « papillonne » de fleur en fleur s’il ne réussit pas à aboutir facilement et rapidement sur tel ou tel aspect de sa vie. On appelle cela de la procrastination.
Réussir une fois. Et après ?
Après la publication de mon article, Marc a réussi à produire un troisième film, puis à écrire avec notre aide quelques scripts, à tourner des scènes, à commencer à les monter, mais… patatras ! Le cœur n’y était plus, les films étaient mauvais et je l’ai vu petit à petit s’enfoncer dans une sorte d’apathie, d’inaction, d’auto-lamentation : il noyait ses états d’âme qu’il ne pouvait analyser en passant des heures sur sa console ou en regardant des « walk-through ».
De mon côté j’étais retombé dans le vieux schéma du papa qui gronde, qui sévit. Marc se réfugiait dans son monde virtuel pour ne pas affronter la réalité, moi je me réfugiais dans la routine simple – et débile – du « père fouettard ». Pour ne pas affronter la réalité. Père et fils ex aequo dans l’attitude contre-productive.
Et pourtant, j’aurais dû être conscient de cette suite logique dans la progression de son « projet » : l’engouement, l’excitation du début allait inexorablement s’émousser et il fallait donc travailler sur le véritable problème : la MOTIVATION.
C’est la motivation qui en effet nous permet de mener nos projets à bien. Et la motivation s’entretient, se muscle, s’entraîne. Un peu comme dans un couple pour ce qui concerne les sentiments, la volonté de réussir, l’ambition.
En fait tous ces « problèmes » se ressemblent assez naturellement si on les considère comme des « projets » : il faut réussir à déterminer pour chacun un cercle vertueux de la créativité productive, un véritable « Yin et Yang » dont une couleur serait la création, l’autre le processus. Et puis, faire tourner la roue et alterner les couleurs…
Cette métaphore est bien jolie, mais pour cela il fallait que je modifie légèrement ma façon de penser et surtout d’agir, de « non agir » avec mon fils. Lorsqu’on est habitué à rester confortablement dans une zone de « couleur » que l’on connaît bien, on renonce à tourner la roue du cercle vertueux alors même que cet immobilisme engendre la non créativité, et la souffrance.
Un déclencheur inattendu
Je ne savais pas comment sortir de ce schéma et paradoxalement mon inflexion mentale paternelle est venue d’un livre sur le management de David Allen : « Getting Things Done », un ouvrage absolument remarquable que j’aurais peut-être l’occasion d’aborder sur ce blog.
L’idée fondamentale de ce bouquin est le sentiment d’étouffement qui peut progressivement prendre possession de notre esprit face à la montagne de tâches à accomplir, de projets à suivre. J’avais ce sentiment depuis un certain temps et je l’avais conscientisé récemment. David Allen propose une méthode que je me suis mis à appliquer en ce qui me concerne car j’adore expérimenter et acquérir de nouvelles connaissances.
J’avais véritablement le sentiment conscient de me noyer dans un verre d’eau, tout en ne sachant pas comment m’en sortir ! Le ridicule de la situation m’énervait encore plus car je suis capable d’organiser les autres, leur apprendre à diviser leur mission en tâches, à utiliser des logiciels pour mieux gérer son temps, être efficace, etc.
Une vraie « suffocation » mentale
Cristina, mon épouse, a heureusement mis un frein sérieux à ma suffocation mentale en me forçant à faire la liste de TOUT ce que j’avais à faire, en m’aidant ensuite à y attribuer des niveaux de priorité, à planifier mes tâches futures grâce à « Google Calendar » (que je lui ai d’ailleurs appris à utiliser il y a quelques années !). C’est étonnant comme on arrive à enseigner aux autres en oubliant de s’appliquer l’enseignement à soi-même… Progressivement, l’oxygène est revenu, tout s’est clarifié, j’ai pu mettre un terme à mon « hyperactivité procrastinatrice » car ce n’était pas le fait de ne rien faire qui m’étouffait, c’était le fait de ne pas pouvoir m’organiser efficacement, de ne pas fermer les « boucles ouvertes », les projets non finis que mon esprit ne cessait d’analyser en boucle dès lors que j’avais le « dos » de mon conscient tourné.
À bien y réfléchir, elle a adopté à mon égard la même démarche du livre d’Allen sans l’avoir jamais lu !
La lecture du livre « Getting things done » fut donc un « déclencheur » dans ce cas, un moyen de valider ce que Cristina m’avait enseigné parmi les nombreuses compétences qu’elle m’a enseignées et que j’ai trop tendance à occulter car c’est plus facile de s’attribuer à soi-même ou à un tiers (l’auteur d’un bouquin) ce que l’être que vous aimez (ou que vous appréciez particulièrement dans votre travail, par exemple) vous a enseigné, non ? C’est un peu comme ces mauvais souvenirs d’adolescence que l’on enterre inconsciemment.
Ce manque de jugement, d’équité intellectuelle dû à un refus émotionnel inconscient d’accepter la réalité de la provenance d’une aide pourtant bénéfique et importante, constituent pour moi un paradoxe sur lequel chacun d’entre nous doit réfléchir… Car pourtant, tout ce que nous savons provient bien des autres, non ? Pourquoi refuser alors la « maternité » ou la « paternité » selon le cas de tel ou tel bienfait qui nous a été enseigné et se l’attribuer de facto ?
En tout cas, ces réflexions m’amènent à penser que le processus incubatoire de la créativité est long et fastidieux, un peu comme déchiffrer une « mind map » qu’on a du mal à lire en diagonale et les « révélations » n’en sont jamais vraiment, en ce sens qu’elles sont l’ultime étape, la partie immergée de l’iceberg conceptuel en fait…
C’est en comprenant mon propre « étouffement psychique » que j’ai pu ENFIN comprendre que Marc passait aussi par-là : l’école, les ennuis avec les « camarades », le sentiment de solitude, et surtout le fait de ne plus réussir à publier ses films sur YouTube car il se sentait « nul » provoquaient chez lui l’étouffement qu’il combattait en se réfugiant dans un monde à lui : Zelda, Norman, Cyprien et le reste…
Alors j’ai commencé à élaborer un plan d’action, et cette fois je sentais que je devais moi-même changer d’optique : le problème était plus profond, il fallait que je l’aborde donc plus profondément, que j’arrive à comprendre les mécanismes des peurs de mon ado, à les décortiquer avec lui pour l’aider à se projeter positivement dans l’avenir et, au final, relancer sa machine créative et son estime de soi.
Je commençais à comprendre que je devais devenir un « papa coach »… (à suivre)
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